Edito de Catherine Morin-Desailly



L’avenir des médias passe-t-il par leur socialisation ?

La nuit, son vol entre la terre et le ciel siffle dans les ténèbres, et jamais le doux sommeil n’abaisse ses paupières ; le jour, sentinelle infatigable, elle veille, assise sur le faîte des palais, ou sur le sommet des tours, et de là, elle sème l’épouvante dans les cités, aussi indifférente messagère du mensonge que de la vérité.

Virgile, L’Énéide, Chant IV

S’il n’avait dépeint la rumeur, Virgile aurait pu décrire ainsi les modes de diffusion de l’information en ce début de XXIe siècle : Internet a fait exploser le monolithisme des détenteurs du savoir et leurs moyens d’expression. Les réseaux sociaux sont le paroxysme de cette évolution et ont maintenant tissé une toile aux mailles serrées, qui place chaque citoyen au centre d’un système dont il peut être potentiellement le récepteur autant que l’acteur. Ils ont une bénédiction pour la diffusion de l’information mais ils suscitent aussi des craintes.

Quelle est la crédibilité de l’information diffusée ? Comment distinguer le bon grain de l’ivraie ? Quel est le rôle des médiateurs traditionnels, ceux que l’on nomme précisément les « médias » et qui sont incarnés par les journalistes, passeurs habituels entre les évènements entre les citoyens ?

La réponse est assez simple : la concurrence réelle imposée au secteur journalistique ne doit pas conduire à la disparition de ses missions. Elles sont en effet nécessaires car le journalisme, assis sur une formation et une déontologie spécifique, reste un outil unique de transmission et de diffusion des savoirs et de l’information, pleinement conforme à notre idéal démocratique. Il permet d’assurer le pluralisme et de construire le débat autour de faits à la fois établis et discutés.

Pour persister dans l’univers numérique, les médias doivent s’adapter aux nouveaux outils tout en conservant leurs méthodes et leurs principes : le journaliste doit être là où tout le monde est, mais il ne pas doit pas faire comme tout le monde fait. Que ce soit en 140 caractères ou dans de longs articles de réflexion, les médias doivent asseoir leur crédibilité dans les réseaux sociaux en recréant, en leur sein, une colonne vertébrale de l’éthique, de la fiabilité et de la prise de distance nécessaire avec les évènements.

Aujourd’hui, il ne peut plus être question de faire marche arrière : Internet est devenu un territoire à part entière pour nos démocraties libérales, territoire que nos journalistes se doivent d’investir. Seulement, ce territoire a ses particularités, ses us et ses coutumes, ses réactions propres, ses schémas de production et de diffusion mais surtout une interactivité et une immédiateté qui créent à la fois son intérêt et ses risques : les réseaux sociaux numériques sont porteurs d’une révolution que les journalistes se doivent d’embrasser pour une plus grande rigueur dans l’accès à l’information et à la réflexion.

Au politique aussi, d’aider le journalisme traditionnel à exister dans cette univers. Les questions de régulation et de fiscalité sont à cet égard des outils privilégiés, au service de l’impératif d’éthique et de responsabilité.